Architecture à la Préhistoire : 1- L'habitat nomade du Paléolithique et au Mésolithique Imprimer
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Écrit par Danielle Chantegrel   
Dimanche, 25 Avril 2021 00:00

Architecture à la Préhistoire 

1- L'habitat nomade du Paléolithique et au Mésolithique

illustration dans L'Histoire de l'habitat humain de Viollet-Le-Duc : La Hutte primitive, 1875De la "hutte primitive" des tous premiers Hominines, durant les périodes du Paléolithique au Mésolithique, il ne reste que peu de traces.

Pour autant, dès les premiers temps, des solutions d'habitation et d'organisation des espaces vont être inventer. Même modeste, rudimentaire ou précaire, l'existence d'une forme d'habitat est avérée dès le Paléolithique inférieur. Les dispositifs sont en relation étroite avec l'environnement naturel de leur implantation. Des Matériaux utilisés sont souvent complètement dégradables. Cependant quelques vestiges - pavages, murets, fosses… - prouvent que les premiers humains ont su s'adapter, s'approprier des techniques de constructions et organiser leur habitat en fonction de leur mode vie nomade.

Dans ce premier chapitre sur l'architecture à la Préhistoire, nous regarderons plus précisément l'habitat précaire, l'habitat nomade durant les périodes du Paléolithique au Mésolithique :

- Les vestiges et aménagements existants,
- Modes de vie et habitats des premières lignées humaines.

Les contextes de réalisations de ces constructions sont à regarder dans les articles concernant leurs différentes périodes respectives de réalisation : Paléolithique, Mésolithique.

 



Vestiges et aménagements existants

fouilles archéologiquesLes recherches archéologiques attestent l'existence et l'utilisation de lieux de vie par les tous premiers hommes : 

  • Ils occupent et aménagent des espaces naturels, tels les abris sous-roche ou l'entrée des grottes dans les régions montagneuses (dans les Massifs calcaires) ;
  • Ils construisent des habitats en plein-air dans les régions de grandes plaines (Europe du Nord, Bassin parisien, divers plateaux…) ; au cours du Paléolithique, certains préféreront abandonner les abris naturels des massifs montagneux pour s'installer à flanc de montagne ou dans les vallées, proche des rivières.

//// Les vestiges

exemple d'un relevé stratigraphique au moment d'une fouilleL'existence d'habitats de plein-air, en abris sous roche ou en grotte, du Paléolithique au Mésolithique, est avérée : Fossiles, vestiges et empreintes  laissés dans la Sortie du sitestratigraphie montrent les marques d'occupations éphémères ou quelquefois un plus durables dans ces différents lieux. 

Les vestiges sont inexistants ou peu nombreux au début de la toute première phase du Paléolithique. Néanmoins les archéologues repèrent, à la fin du  Paléolithique archaïque, des informations importantes sur les espaces aménagés pour habiter. Les traces vont être encore plus abondantes dans les couches supérieures, à partir du Paléolithique supérieur.

La qualité et la quantité de vestiges récupérés sur chaque site nous informent sur la durée des séjours : de brèves haltes, des bivouacs de quelques jours, à des installations de plus longue durée, sur des territoires plus ou moins étendus. Il est possible de différencier les aires de différentes activités selon la nature des vestiges in situ. Les passages et occupations peuvent être successifs, parfois sur plusieurs générations : ils se remarquent par une accumulation d'objets de périodes différentes dans un même site. Le travail des archéologues consiste à répertorier, analyser tous les paramètres pour confirmer la nature du site, le (les) espèce(s) concernée(s), la datation des vestiges….

Les restes d'habitats retrouvés ne présentent pas d'évolution technologique ou sociétale dans le temps sur ces deux premières périodes de la Préhistoire : un habitat plus récent peut être plus rudimentaire qu'un plus ancien. Seul des contextes différents expliquent les variations de formes, de matériaux utilisés, d'organisations spatiales repérées.

Les provenances de matériaux sur les sites sont, avant tout, locales. Les distances sont de l'ordre de 5 km, toutefois elles sont parfois plus lointaines, 20 à 30 km. Deux possibilités sont envisagées par les préhistoriens : la nécessité un déplacement pour convoyer ces matériaux ou l'existence de réseaux d'échanges de matières premières. 

 

Que reste-t-il ?

On reconnaît un séjour plus ou moins prolongé d'un homme (ou d'un groupe d'homme) grâce à la présence d'un certain nombre de traces qu'il(s) a(ont) laissées. L'inventaire ci-dessous est non exhaustif, tous ces éléments ne se retrouvent pas sur un même site, il s'agit d'une énumération des possibles vestiges :

  • La présence d'un foyer : Des indices pointent sur une utilisation plus précoce du feu, [entre -1 à -1,5 Ma] :
    vestiges de foyer au Paléolithique sur le site de Terra-Amata : muret, trace de terre brûlée-- des fragments de terre brûlée indiquant l'emplacement d'un foyer,
  • -- des dispositions de pierres noircies,
    -- des déchets calcinés, des restes, proche du foyer (ossements noircis...). 
Avec la maîtrise du feu, attestée par l'Homo erectus, [vers -400 000 ans], on trouve :
-- des dispositions de pierres noircies ou de petit muret, en cercle ou demi-cercle, 
-- de la terre brûlée, des restes calcinés
-- un positionnement du foyer dans l'habitat permettant l’évacuation de la fumée.
  • Des éléments tangibles d'aménagements d'habitat : Les solutions varient, elles sont adaptées à un environnement et à un contexte donné (par exemple : prise en compte des vents dominants, de l'humidité du terrain, de la saison…) :
    • vestiges d'un pavage en pierre - Préhistoire-- des dispositions non naturelles de blocs de pierres ou de galets (par exemple : pavage ou dallage au sol ; délimitation par un ceinturage de pierres d'une zone ;  construction de murets en pierre sèche ; disposition ou réalisation d'assises, de banquettes ;  …) 
    • -- des terrassements : tassements de terrain ou des empierrements
    • -- des creusements : de fondations, de fosses, de silos ou de canalisations pour l'écoulement des eaux pluviales
    • trace de trou de poteau présumé - site d'Auvours, Azilien-- des emplacements réguliers de trous avec des calages de pierres (réalisés pour recevoir des poteaux en bois ou une palissade… ) 
    • -- des encoches dans les parois des abris naturels
    • -- des éléments de structure en os de mammouths entiers ou fragmentés (qui ont pu servir à l'ossature de l'habitat)
    • -- des éléments de confort comme des litières attestées par les vestiges organiques laissés sur place
    • -- …
  • matériel lithique : exemple hachereau datant de l'AcheuléenDes éléments d'activités sur les sites : Ils indiquent l'occupation du lieu et la nature de l'activité :
    • matériel lithique étiqueté (trouvé lors d'une fouille)-- du matériel lithique et osseux ou en bois de cervidé : nucléus en silex et des débris de taille, éclats ; artefacts divers : outils, armes, objets, statuettes, parures…
    • - -des débris d'objets.… 
  • Des ossements animaux et humains 
sépulture néandertalienne de la Chapelle-aux-Saints - environ 60 000 ans
 

 

 

 

 

//// Les aménagements

Les paléontologues étudient les marques et les vestiges tangibles pour déterminer les organisations spatiales des différents lieux de vie des premiers hommes. Ils identifient les délimitations et aménagements des aires d'activités. Les aménagements des espaces sont plus ou moins existants et importants en fonction de la durée des séjours. On peut y trouver : des foyers, des murets, des dallages, des marques d'implantations de poteaux, des fosses…

Reconstitution de la vie quotidienne d'un groupe néandertalien à partir des fouilles effectuées dans l'abri moustérien de La Folie (Poitiers) L'analyse de ces éléments permet d'identifier leur utilisation comme :

  • - Lieu de vie pour habiter - dormir, se reposer, faire les repas… - ,
  • - Lieux d'activités activités artisanales
  • - Lieu funéraire.

Les séjours de groupes d'hommes sont plus ou moins prolongés ; les installations, plus ou moins complexes et importantes. Si l'homme s'installe en habitat naturel, il reste à proximité de l'ouverture des grottes, dans les endroits proches de la lumière du jour , sinon il s'établit des campements en plein-air. Les deux types de lieux sont occupés de façon précaire, provisoire ou sur le long terme selon le type de campement. 

Les archéologues recherchent le positionnement dans l'espace des divers objets retrouvés, des traces d'activités et des vestiges d'aménagements : Le répertoriage des vestiges et leur localisation dans l'espace nous donnent les premières indications sur l'habitat et sur le mode de vie des premiers hommes. Ces traces nous renseignent sur :

  • - les réalisations et créations au travers les artefacts laissés, 
  • - les diverses activités  - manger, se reposer, dormir, fabriquer… - au travers les traces et vestiges : Dès le Paléolithique archaïque, les archéologues repèrent des sites spécialisés : les vestiges alors retrouvés démontrent la présence que d'une seule activité spécifique sur le site. Les activités sont repérées grâce aux débris, outils ou objets retrouvés sur une même zone. Un zonage met en évidence des "ateliers" différents, spatialement séparés :
- "atelier" de fabrication d'armes ou d'outils (matériel lithique présent sur place : outils de taille des silex, foyer, éclats, nucleus… )
- "atelier" de fabrication d'objets utilitaires (matériel lithique et osseux)   
- "atelier" de dépeçage (outils tranchants, perçoirs)
- "atelier" de traitement de peaux : tannage, séchage des peaux… (outils spécifiques - grattoirs… , pierres plates à enduire, fosses
"atelier" de confection d'habits ou d'objets en peaux (outils spécifiques : pointes de perçage des peaux,  ; pierre , aiguilles en os)
- "atelier" de création de statuettes et de parures (matériel lithique et osseux : outils, débris et objets)
- … 

Quels aménagements ? Et pour quoi faire ?

Les informations sur les activités repérées grâce aux vestiges existants permettent de se représenter mentalement les lieux de vie de nos lointains ancêtres. Pour autant, l'inventaire des vestiges et leur localisation dans l'espace, ne suffit à comprendre la vie des premiers hommes. Percevoir que derrière les vestiges et les espaces qu'ils délimitent, il y a des usages et des habitudes, m'a semblé important.

On trouvera ci-dessous, de façon non exhaustive, une mise en parallèle des différentes fonctions et des vestiges aménagements d'espaces retrouvés  

N.B. Pour montrer l'étendue d'activités possibles, les éléments de cette liste ne se retrouvent pas sur un même site mais ont été inventoriés sur divers lieux. Les illustrations proviennent majoritairement des bandes dessinées que je possède et dont je recommande la lecture : L'Art préhistorique en bande dessinée (éd. Glénat) d'Eric LE BRUN. (Il en existe plusieurs tomes)

=== Cuire la nourriture :faire un feu à la Préhistoire, une illustration d'Olivier-Marc Nadel
  • - vestiges de pierres ou petits murets disposés en cercle ou demi-cercle, délimitant un foyer positionné pour permettre l’évacuation de la fumée
=== Préparer et conserver la nourriture :
chasser à la Préhistoire - extrait BD. E.LEBRUN
cueillir, pêcher, chasser à la Préhistoire - extrait BD E.LEBRUNpréparer, cuire, manger à la Préhistoire - extrait BD E. Lebrun
  • - traces d'activité de boucherie : restes de carcasses ou ossements d'animaux (parfois humains) montrant des signes de découpes, de dépouillement, de nettoyage…
  • - disposition de pierres plates, pierre en forme de coupelles : des broyons, meules, percuteurs, des outils divers tranchants, des spatules, des racloirs... nécessaires à la boucherie et préparation culinaire
  • - foyers de fumage des viandes
  • - des traces de végétaux : graines, racines, fruits, baies...
  • - existence de fosses ou de silos ayant pu servir à la conservation ou au stockage des aliments)
  • - …
=== S'habiller : coudre à la Préhistoire - extrait BD. E.LEBRUN
  • préparer des peaux   à la Préhistoire - extrait BD E. Lebrundépecer des animaux à la Préhistoire - extrait BD E.LEBRUN- traces de dépeçages d'animaux et de traitement des peaux : racloir, perçoir, pierres plates, matériel pour le tannage - écorces, graisses animales, suif - 
  • fosses (usage possible pour les bains de tannage)
  • - des traces de façonnage du cuir : alênes, aiguilles en os
  • - …
=== Habiter :
  • - dispositions non naturelles de pierres : pavage ou dallage au sol (blocs de pierre ou galets disposés au sol et délimitant une zone), 
  • - murets en pierre sèche
  • - traces de structure d'édifices : trous de poteaux disposés régulièrement, 
  • - ou structure non dégradable de construction en os et défenses de pachydermes, entiers ou fragmentés (ce type de construction se retrouve dans les régions non boisées),
  • - présence de pierres plates disposées autour du foyer (assises éventuelles) ou disposées pour créer une banquette (zone éventuelle de couchage).
  • - …
=== Fabriquer divers artefacts :taille de pierre à la Préhistoire - ill. E.Lebrun
  • création de parure à la Préhistoire - extrait BD E.LEBRUN
  • fabriquer un épieu à la Préhistoire - extrait BD E.LEBRUN- vestiges d'artefacts lithiques, osseux et en bois de cervidé et débris de fabrication : nucléus en silex, débris de taille, éclats... pour la fabrication des armes, des outils, des objets ; galets, pierres, os, bois de cervidés présentant des marques de tailles, d'entailles, de découpé, de sculptures… pour la fabrication des parures, des statuettes, des propulseurs…  
  • - outils spécifiques et installations nécessaires à une fabrication donnée (armes et outils, objets utilitaires, statuettes, parures ou éléments de parures, breloques...)
  • - des foyers permettant de durcir des pointes, des épieux
  • - …
=== Jeter : 
  • - des fosses de dépotoirs : des déchetteries des objets entiers abîmés ou débris… 
===  Honorer leurs morts :honorer ses morts à la Préhistoire - extrait BD E.LEBRUN
  • - des ossements humains disposés
  • - des traces de pigments - ocre  -, de pollens... autour  des corps
  • - des offrandes : objets, armes… 

 

Dans le même environnement, on trouve aussi la présence animale à proximité :

  • - fossiles d'animaux morts naturellement
 

//// Que suppose-t-on ? Les éléments d'aménagements dégradables :

reconstitution d'une hutte au Campement Préhistorique de Bruniquel (Tarn-et-Garonne)exemple de reconstitution d'une hutte au musée de la préhistoire de Quinson (Haute-Provence)L'analyse des traces et marques existantes permet de repérer certains matériaux utilisés, de mettre en évidence certains procédés de construction et de déterminer les implantations des éléments construits. L'étude des sites montre notamment l'utilisation de matériaux dégradables dont il ne reste que des traces ou des empreintes. Ces autres éléments sont supposés avoir été utilisés pour compléter les dispositifs de protection (du vent, de la pluie, de la neige) et d'aménagement de l'espace de vie pour le rendre plus structuré et plus confortableLes techniques plausibles de construction sont déduites par expérimentations à partir de relevés et de constats. 

Les hypothèses sont variées :

  • - un système d'isolation des courants d’air, de la pluie ou du froid (peaux, fourrures, bourrelet de terre argileuse…),
  • - une toiture (branchage, brande, paille, peaux…),
  • - des cloisons (clayonnage en bois, tentures en peaux…),
  • - des litières pour le repos (paille, brande, fougères, mousses, fourrures…),
  • - des assises pour s'asseoir (souches de bois, troncs d'arbres…),
  • - … 

 


//// Conclusion sur les vestiges et aménagements existants au Paléolithique et au Mésolithique :

Les sites retrouvés montrent que les habitats des premiers humains ne sont pas seulement des refuges face aux intempéries mais des lieux de vie complexes, à usage domestique quotidien et autour d'activités spécifiques  - taille silex, travail du bois, de l'os... , boucherie, peausserie, séchage des herbes, du bois vert…

architecture vernaculaire : reconstitution d'une hutte en branchage et brandeLa prise en compte de l'environnement, des conditions climatiques et du contexte sont des paramètres primordiaux dans la constitution des constructions. L'habitat des premiers temps est vernaculaireLes matériaux choisis varient d'une région à l'autre, d'une saison à l'autre

  • - pierres, galets, terre… pour le sol et les murets, 
  • - poteaux en bois, os et défenses de mammouths… pour la charpente, 
  • - bois, branchages, peaux d'animaux pour la toiture, les cloisons… ,
  • - fourrures, peaux animales, paille, brande… pour la toiture, les cloisons, la literie….

Des vestiges d'artefacts ornés ou sculptés ou peints montrent un approche de l'objet qui va au-delà du fonctionnelle. Les trois facettes - firmitas (solidité, ou robustesse) ; utilitas (commodité, ou utilité) ; venustas (beauté, ou volupté) - de la théorie de Vitruve pour l'architecture sur les qualités d'une structure semble fermement ancrées dans notre lointain passé. Les préhistoriens classent ces manifestations esthétiques, sous les intitulés d'art pariétal, d'art mobilier et d'art rupestre.

L'ensemble des éléments recueillis montre la nécessité de l'homme à s'adapter et à établir une organisation sociale importante tant pour réaliser les activités que pour créer les lieux de vie. Pour cela il possèdera dès les premiers temps une bonne connaissance de son environnement et des ressources qu'il offre. 

À partir de l'ensemble des informations recueillies, des hypothèses multiples sont envisagées et reconstituées. L'interprétation des vestiges, sans cesse renouvelée par de nouvelles découvertes, restent ouvertes à de nouvelles suppositions. 

 

 


 

Modes de vie et habitats des premières lignées humaines

hommes nomades de la Préhistoire - extrait BD E.LEBRUNL'homme nomade du Paléolithique et du Mésolithique est cueilleur-chasseur-pêcheur. Il est proche de la nature qu'il partage avec d'autres espèces vivantes. Il puise ses ressources.

L'homme se déplace en fonction de ses besoins. L'implantation d'un campement s'effectue pour des raisons stratégiques : Les choix de lieux de vie sont choisis en relation du contexte : montagne, plaine, steppe, étendue d'eau , du climat et de la saison à proximité des ressources naturelles à disposition : 

  • de terrains propices à la chasse, la pêche, la cueillette de fruits ou de baies, de racines, 
  • de points d'eau indispensables - sources, rivières, lacs... -
  • de matières premières, tel le silex pour fabriquer ses outils, l'ocre, pigment utilisé sur les parois, sur les objets,... et peut-être en ornementation sur la peau.

L'habitat de l'homme préhistorique est un l'endroit de refuge pour manger, dormir, se reposer, se protéger des intempéries et de la faune hostile. C'est aussi, avant tout, un lieu de vie qui lui permet de se livrer à diverses activités : fabriquer tous les objets nécessaires à leur vie - outils, armes, objets utilitaires, parures, statuettes... - ;  conditionner ses provisions préparer, découper, sécher, fumer le gibier, nettoyer les peaux, stocker…. 

L'habitat prendra des formes aléatoires en fonction de cet environnement immédiat. Une grande créativité et adaptabilité ont été nécessaire pour construire ces lieux de vie.

 

//// L'habitat au Paléolithique archaïque [- 2 900 000 à - 650 000]

empreintes de pas fossiles - 3,7 Ma - Laetoli en TanzanieLes premières lignées pré-humaines, les Australopithèques et les Homos, ont coexisté pendant plusieurs centaines de milliers d'années dans le rift africain. Ces premiers hominines ne vont laisser que des empreintes de passages. Les paléontologues supposent qu'ils étaient nomades et arboricoles, vivant essentiellement de cueillette et de charognage. Ils se nourrissent essentiellement de végétaux, de tubercules, de racines et d'insectes ; pour les espèces omnivores, d'animaux morts ou de chasse de petites proies. Dans un paysage de savane, la présence d'arbres ou de falaises ou de rochers pour faire halte et se réfugier semble des éléments récurrents ; la proximité d'eau également. exemple de nid d'une espèce arboricoleS'il y a eu des nids de branchages et de feuillages, des protections quelconques… nulle trace d'installation ne nous est parvenue. Éphémères et provisoires, de telles constructions n'ont pu subsister. 

Les traces les plus anciennes de séjours sur un lieu datent de -2,4 Ma. Les sites se situent près de lacs du rift africain : dans la vallée du lac Turkana au Kenya, celles de l'Awash et de l'Omo en Éthiopie. Dans ces lieux, il a été repéré des ossements d'animaux tués (ou récupérés- le charognage, plutôt que la chasse, est plus que probable -), des déchets de nourriture et des restes de taille de choppers. Les bivouacs sont de brèves durées - quelques heures à quelques jours - et ne présentent aucune trace d'habitat. Il est admis par les préhistoriens qu'on ne peut parler de campement sur cette période.

Vallée Sugata au Kenya  Gorges d'Olduvai en Tanzanie  
Ce n'est qu'à partir de -1,8 Ma environ, à l'Oldowayen, dans les gorges d'Olduvai en Tanzanie - site DK1 - que les fouilles révèlent des «fonds de cabane» (interprétées ainsi par Mary et Louis Leakey en 1993). Il s'agit d'une zone circulaire de 5 m de diamètre, délimitée de petits blocs de pierre empilés sur 30 cm de hauteur qui pourrait servir de support à des branchages ; à l'intérieur du cercle  : des objets, des galets aménagés et des éclats, d'ossements d'animaux consommés. Les archéologues supposent que ce sont les premiers réels vestiges d'habitats retrouvés. Ils permettraient de se protéger des intempéries et des dangers. 
   vestiges de fouille - DK1 - Olduvai (Tanzanie) - 1,8 Ma croquis d'hypothèse de hutte pour le site DK1 - Olduvai (Tanzanie)

L'habitat KBS de Koobi Fora au Kenya, c'est 100 m2 d'occupation liée à la chasse qui ont été révélés. Le site est daté de -1,9 Ma. Les humains présents sur ce lieu sont cueilleurs-chasseurs : les animaux consommés ont été chassés, autour de ce site, puis ramenés au camp de base. Ce sont des hippopotames, des gazelles, des porcs épics. Le campement est structuré par un emplacement central  d'où se répartissent, en périphérie, des lieux d'activités spécialisées - aires de taille, aires de boucherie... -, comme en témoigne les vestiges - ossements, outils (plus de 200 outils), nucléus, éclats -. Les outils retrouvés sur les sites de Koobi Fora sont datés de Oldowayen et AcheuléenOn peut donc supposer que les occupants de ces lieux avaient établi de véritables abris dans ce campement de base pour organiser leurs différentes activités. Ce nouveau comportement serait le fait de l'Homo ergaster ou l'Homo habilis. 

vestiges habitat à Koobi Fora (Kenya) 

Vers -1,4 Ma, les premiers indices d'utilisation du feu sont repérables sur certains sites. La domestication complète du feu n'est pour autant pas encore attestée à cette période.

carte de la région du lac de Turkana (Kenya) 

 

//// L'habitat au Paléolithique inférieur [- 650 000 à - 300 000]

À cette période, les espèces Homos, sont cueilleurs-chasseurs. Ils s'installent en fonction de leurs besoins sur des territoires riches en ressources naturelles. 
Les lieux de séjour sont divers - en plein-air, en abris sous-roche, à l'entrée d'une grotte - selon ce que l'environnement peut leur proposer. Ils sont utilisés pour quelques heures, à quelques jours, jusqu'à quelques mois : Cela va de campements modestes, très éphémères à des choix de sites occupés de manière stable et sur de plus longue durée
Le choix du lieu est en relation directe avec les ressources  recherchées, des activités envisagées, des goûts alimentaires…. Certains sites semblent très prisés car ils leur permettent de rayonner sur quelques kilomètres pour rechercher les matières premières abondantes - gibier, fruits, racines, graines, silex... - dans le secteur. Dans ce cas, ils sont occupés de nombreuses fois. 
Les sites retrouvés montrent qu'ils étaient spécialisés : lieu de vie quotidienne, site de boucherie, ateliers de taille... .
Les aménagements sont sommaires mais structurés et parfois construits : dallage, alignements de blocs, murets, emplacements de litières ; des vestiges de calages de poteaux en plein-air ou en abri naturel - prouve l'existence de charpente pour des huttes ou des tentes ou des cloisonnements d'espace ; les traces de délimitations d'aires différentes sont également visibles…. 
La domestication complète du feu est avérée à cette période, entre -1 Ma et 400'000 ans, par la présence de véritable foyer construit, de combustibles et de résidus montrant des combustions à assez haute température. Elle est le fait de l'Homo erectus. Les emplacements de foyers, lorsque l'habitat est en grotte, se situent en extérieur ; pour l'habitat en plein-air, il est positionné de façon à permettre l'évacuation des fumées. La maîtrise du feu a été une étape décisive dans l'évolution des conditions de vie : lutte contre le froid, protection contre les animaux, cuisson des aliments - végétaux ou animaux -, fumage des viandes pour la conservation, durcissement des pointes d'épieu... .   

Exemples de sites du Paléolithique inférieur : 
  •  La Caume de l'Arago à Tautavel :
vue depuis l'intérieur de la Caume de TautavelLa Caume de l'Arago à Tautavel, près de Perpignan (Pyrénées-Orientales), est une grotte située à 80 mètres au-dessus de la vallée. La bonne orientation de l'ouverture de l'abri produisait des températures confortables en hiver et permet un excellent point de vue sur l'environnement. Le lieu, riche en gibier, était également favorable à des installations humaines.
La grotte a été occupée au Paléolithique inférieur, entre -300'000 et -450'000 ans par l'Homo erectus ou l'Homo heidelbergensis. D'abondants fossiles humains ont été retrouvés. Ils appartiennent aux diverses occupations du site. Ces restes ont été attribués à l'homme de Tautavel (appartenant à l'espèce éteinte Homo erectus) : il devait mesurer au alentour d'1m60, ne maîtrisait pas le feu mais était un excellent chasseur. S'il se nourrissait de sa chasse, des traces de cannibalisme sont également présentes. 
Les outils retrouvés - galets aménagés et choppers, quelques bifaces et hachereaux. On les attribue au faciès de l'Acheuléen
Ces premiers groupes humains s'installent dans des campements permanents ou temporaires pour la chasse - grands herbivores, mouflons ou cervidés ou rennes - et pour des ateliers de dépeçage.
 
 illustration de la Caume de Tautavel
 Plus d'informations sur le site du Musée de Tautavel, Avenue Léon-Jean-Grégory - 66720 TAUTAVEL - Tél. 04.68.29.07.76
  •  Le site de Terra-Amata :
Le site de Terra-Amata est situé dans une crique abritée des vents dominants, près de Nice, sur les actuelles pentes du mont Boron. Il a été occupé par l'Homo erectus. L'emplacement, à proximité d'une source, permet la collecte de galets pour la fabrication d'outils et d'armes. Les outils lithiques retrouvés - galets, bifaces, pics, hachereaux, racloirs, ... -  et des éclats appartiennent au faciès de l'Acheuléen.
Une vingtaine de cabanes, datées d'environ - 400 000 ans, ont été construites. Les huttes sont de forme ovale entre 7 à 16 mètres de long et 4 à 6 m de largecroquis montrant la hutte de Terra-AmataLes vestiges montrent des traces de trous de poteaux et de pierres de calages, alignés en périphérie de l'ovale. 
croquis montrant la structure de la hutte de Terra-AmataAu centre, des emplacements disposés laissent à penser l'existence d'une structure de soutènement et de charpente. Des dallages de pierres suivent les pourtours et recouvrent certaines zones des constructions. 
vestiges de foyer au Paléolithique sur le site de Terra-Amata : muret, trace de terre brûlée
Certaines habitations comportent un foyer central. les vestiges retrouvés pour chacun sont : un trou profond de 30 cm et de 15 cm de diamètre, agencement de pierres, traces de charbon de bois et restes alimentaires. D'autres foyers ont servi pour la fabrication de crayon de pigments à partir de goethite. C'est l'un des plus anciens sites qui présente des vestiges prouvant la domestication du feu pouvant atteindre 200 à 400°C.
Des occupations successives se superposent  : nouvelles constructions par-dessus les anciennes. 

 illustration montrant le site de Terra-Amata (près de Nice)

  Plus d'informations : musée de Préhistoire de Terra Amata : 25, boulevard Carnot - Nice - Tél 04 93 55 59 93

 

 //// L'habitat au Paléolithique moyen [- 300 000 - 35 000]

À partir du Paléolithique moyen, les hommes, cueilleurs-chasseurs-pêcheurs, maintiennent un mode vie nomade. Ils se déplacent à l'intérieur de vastes régions et s'installent sur des territoires aux ressources suffisantes en eau, gibier, matières premières pour leurs outils, armes, objets. 

Aux Paléolithique moyen, comme dans la période précédente, les premières lignées d'Homos s'abritent dans l'entrée des grottes, en abris sous-roches ou dans des campements en plein-air. Les séjours sont de durées variables. Les campements s'établissent autour d'activités spécifiques :

  • des haltes rapides liées à la chasse d’espèces herbivores (rennes, bisons, …) ou à la cueillette, choisies leur localisation saisonnière,
  • des bivouacs, de quelques jours, pour rechercher des ressources particulières, 
  • des campements de bases, séjours à long terme mêlant activités de chasse et activités domestiques – découpe, consommation du gibier, traitement des peaux.
 
Les sites sont, à la fin de leur utilisation, abandonnés dans l'état : éléments d'habitation, matériel, armes sont laissés sur place.
Exemple de sites au Paléolithique moyen : 
  • La grotte de Lazaret : 

La grotte de Lazaretprès de Nice (Alpes-Maritimes), au pied du Mont Boron. Le site a été occupé entre - 230'000 et - 120'000 ans (Paléolithique moyen). Cet habitat a accueilli des Néandertaliens et a vu plusieurs générations de chasseurs Homo erectus. Les industries lithiques présentent sur place sont datées de l'Acheuléen utilisant, entre autre, la technique du débitage Levallois. Les matériaux utilisés sont d'origine proche : galets et aussi, plus lointaine : silex, jaspe, quartzite, rhyolite. Les occupations vont de quelques jours à plusieurs mois.

Une supposition de "cabane" positionnée à l'intérieur de la grotte. Elle serait large de 3,5 mètres et longue de 11 mètres. Elle pouvait abriter une dizaine de personnes et serait datée de -150 000 ans BP. Cette cabane se repèrerait par une ceinture de pierres sèches. Le dispositif serait complété par des peaux. Cette hypothèse est contestée par d'autres études.

hypothèse de la cabane à l'intérieur de la grotte Lazaret (près de Nice) 

 

  • Un habitat en plein-air : Le site d'Orangia 1 (en Afrique du Sud)

Le site d'Orangia 1 présente une série de sept petites cuvettes. Des pierres sèches forment une bordure orientée face au vent du Nord. On peut supposer une disposition de paravents pour compléter le dispositif de protection. Chaque cuvette mesure entre 2 et 3 mètres. Pas de datation connue.

vestiges de paravents sur le site d'Orangia 1 (Afrique du sud) 

//// Les habitats des Néandertaliens au Paléolithique moyen : [entre environ -300 000 à -28 000 ans]

Les Néandertaliens ont vécu sur une très longue période, au moins 200 000 ans, durant le Paléolithique moyen et début du supérieur. Ils ont vécu en Europe, en Asie et au Proche-Orient. Ils ont connu des périodes climatiques froides et tempérées auxquelles ils ont dû s'adapter. 

Les hommes de Neandertal s''établissent sur des sites très variés - plaines, montagnes, fonds de vallée, îles... -. Le choix de l'implantation du site est fonction du potentiel du lieu en ressources, en protection, en ensoleillement…. La durée des séjours est variable : de peu de temps à de plus longue durée, parfois, dans certains lieux, des vestiges montrent plusieurs couches d'occupations successives, sur plusieurs générationsÀ partir de l'implantation d'un camp de base, les Néandertaliens rayonnent autour (de quelques dizaines de km à  des centaines de km) pour implanter des bivouacs ponctuels. Ces camps intermédiaires sont choisis en fonction des saisons et des ressources qu'ils offrent : Les hommes sélectionnent leur gibier - cervidés, cheval, rennes, aurochs, bison, mammouth, rhinocéros laineux, ours… - pour la viande ou la fourrure. Ils repèrent des lieux de pêche ou des emplacements de récolte de fruits, de végétaux comestibles…. Ils recherchent des zones abondantes en matières premières. C'est le cas par exemple :

  • de l'ocre jaune ou rouge qu'ils utilisent en blocs ou en bâtonnets (des traces importantes d'usages intensifs et variés retrouvées dans les zones d'activités, sur les parures, sur les corps, dans les dépotoirs) ; 
  • du silex pour la confection de leurs outils et armes ; 
  • des coquillages pour leurs parures... . 
  • ….

Les vestiges montrent une grande adaptabilité et ingéniosité des hommes de Néandertal dans la fabrication de leurs artefacts. Ses qualités se retrouvent dans la conception de leur habitat. Les dispositifs d'habitation et d'aménagement varient d'une région à l'autre et sont en fonction des matériaux trouvés : 

  • L'habitat pouvait se situer, dans les régions montagneuses, en abris sous-roche ou en grotte, à l'entrée
  • Il pouvait aussi se trouver en plein-air et était constitué de structures démontables, de cabanes ou de huttes, réalisés avec des matériaux divers : pierre, bois, végétaux, peaux, fourrures, os de pachydermes….
exemples de la diversité des habitats néandertaliens
L'aménagement de l'espace :

Pour la construction du foyer (élément central de l'habitation), des solutions ingénieuses ont été retrouvées par Neandertal : disposition de galets, aménagement de cuvette, des conduits d'aération (évents), murets entourant le foyer, coupole

Des aires d'activités sont délimitées par différents procédés : des sols dallés en pierres ou en galets, des espaces couverts ; ou encore repérées, comme des traces de litières végétales

L'habitat en ossement du Moustérien : 

L'hypothèse d'une forme de sédentarisation des Néandertaliens sur les campements de bases a été émise par les paléontologues. Elle s'appuie sur les moyens importants mis en œuvre (en temps, en énergie, en matière d'œuvre) pour la construction des habitats en ossements. Exemple :

  • Le site de plein-air de Molodova 1, en Ukraine :
Le site Molodova 1 est situé dans la vallée du Dniestr en Ukraine. Une étude récente montre que ce site est caractéristique d'un habitat néandertalien. Il est daté du Moustérien, de la période inter-pléniglaciaire : On y retrouve une riche industrie lithique de 40 000 artefacts de ce faciès. Construit dans un environnement de steppe sans forêt, la structure des cabanes est constituée d'os et défenses de mammouths. Ce type de construction a nécessité un abattage de plusieurs animaux ou la récupération de carcasses d'animaux morts naturellement, ainsi que leur transport. 

 
 
 
  
 
  •  site de ..... en Ukraine
 
illustration peinte d'un campement en os de mammouths en Ukraine