Page 5 de 5 Modes de vie et habitats des premières lignées humaines L'homme nomade du Paléolithique et du Mésolithique est cueilleur-chasseur-pêcheur. Il est proche de la nature qu'il partage avec d'autres espèces vivantes. Il puise ses ressources.
L'homme se déplace en fonction de ses besoins. L'implantation d'un campement s'effectue pour des raisons stratégiques : Les choix de lieux de vie sont choisis en relation du contexte : montagne, plaine, steppe, étendue d'eau… , du climat et de la saison… à proximité des ressources naturelles à disposition : - de terrains propices à la chasse, la pêche, la cueillette de fruits ou de baies, de racines,
- de points d'eau indispensables - sources, rivières, lacs... -
- de matières premières, tel le silex pour fabriquer ses outils, l'ocre, pigment utilisé sur les parois, sur les objets,... et peut-être en ornementation sur la peau.
L'habitat de l'homme préhistorique est un l'endroit de refuge pour manger, dormir, se reposer, se protéger des intempéries et de la faune hostile. C'est aussi, avant tout, un lieu de vie qui lui permet de se livrer à diverses activités : fabriquer tous les objets nécessaires à leur vie - outils, armes, objets utilitaires, parures, statuettes... - ; conditionner ses provisions : préparer, découper, sécher, fumer le gibier, nettoyer les peaux, stocker…. L'habitat prendra des formes aléatoires en fonction de cet environnement immédiat. Une grande créativité et adaptabilité ont été nécessaire pour construire ces lieux de vie. //// L'habitat au Paléolithique archaïque [- 2 900 000 à - 650 000] Les premières lignées pré-humaines, les Australopithèques et les Homos, ont coexisté pendant plusieurs centaines de milliers d'années dans le rift africain. Ces premiers hominines ne vont laisser que des empreintes de passages. Les paléontologues supposent qu'ils étaient nomades et arboricoles, vivant essentiellement de cueillette et de charognage. Ils se nourrissent essentiellement de végétaux, de tubercules, de racines et d'insectes ; pour les espèces omnivores, d'animaux morts ou de chasse de petites proies. Dans un paysage de savane, la présence d'arbres ou de falaises ou de rochers pour faire halte et se réfugier semble des éléments récurrents ; la proximité d'eau également. S'il y a eu des nids de branchages et de feuillages, des protections quelconques… nulle trace d'installation ne nous est parvenue. Éphémères et provisoires, de telles constructions n'ont pu subsister.
Les traces les plus anciennes de séjours sur un lieu datent de -2,4 Ma. Les sites se situent près de lacs du rift africain : dans la vallée du lac Turkana au Kenya, celles de l'Awash et de l'Omo en Éthiopie. Dans ces lieux, il a été repéré des ossements d'animaux tués (ou récupérés- le charognage, plutôt que la chasse, est plus que probable -), des déchets de nourriture et des restes de taille de choppers. Les bivouacs sont de brèves durées - quelques heures à quelques jours - et ne présentent aucune trace d'habitat. Il est admis par les préhistoriens qu'on ne peut parler de campement sur cette période. Ce n'est qu'à partir de -1,8 Ma environ, à l'Oldowayen, dans les gorges d'Olduvai en Tanzanie - site DK1 - que les fouilles révèlent des «fonds de cabane» (interprétées ainsi par Mary et Louis Leakey en 1993). Il s'agit d'une zone circulaire de 5 m de diamètre, délimitée de petits blocs de pierre empilés sur 30 cm de hauteur qui pourrait servir de support à des branchages ; à l'intérieur du cercle : des objets, des galets aménagés et des éclats, d'ossements d'animaux consommés. Les archéologues supposent que ce sont les premiers réels vestiges d'habitats retrouvés. Ils permettraient de se protéger des intempéries et des dangers.  L'habitat KBS de Koobi Fora au Kenya, c'est 100 m2 d'occupation liée à la chasse qui ont été révélés. Le site est daté de -1,9 Ma. Les humains présents sur ce lieu sont cueilleurs-chasseurs : les animaux consommés ont été chassés, autour de ce site, puis ramenés au camp de base. Ce sont des hippopotames, des gazelles, des porcs épics. Le campement est structuré par un emplacement central d'où se répartissent, en périphérie, des lieux d'activités spécialisées - aires de taille, aires de boucherie... -, comme en témoigne les vestiges - ossements, outils (plus de 200 outils), nucléus, éclats -. Les outils retrouvés sur les sites de Koobi Fora sont datés de Oldowayen et Acheuléen. On peut donc supposer que les occupants de ces lieux avaient établi de véritables abris dans ce campement de base pour organiser leurs différentes activités. Ce nouveau comportement serait le fait de l'Homo ergaster ou l'Homo habilis.
Vers -1,4 Ma, les premiers indices d'utilisation du feu sont repérables sur certains sites. La domestication complète du feu n'est pour autant pas encore attestée à cette période.
//// L'habitat au Paléolithique inférieur [- 650 000 à - 300 000]À cette période, les espèces Homos, sont cueilleurs-chasseurs. Ils s'installent en fonction de leurs besoins sur des territoires riches en ressources naturelles. Les lieux de séjour sont divers - en plein-air, en abris sous-roche, à l'entrée d'une grotte - selon ce que l'environnement peut leur proposer. Ils sont utilisés pour quelques heures, à quelques jours, jusqu'à quelques mois : Cela va de campements modestes, très éphémères à des choix de sites occupés de manière stable et sur de plus longue durée. Le choix du lieu est en relation directe avec les ressources recherchées, des activités envisagées, des goûts alimentaires…. Certains sites semblent très prisés car ils leur permettent de rayonner sur quelques kilomètres pour rechercher les matières premières abondantes - gibier, fruits, racines, graines, silex... - dans le secteur. Dans ce cas, ils sont occupés de nombreuses fois. Les sites retrouvés montrent qu'ils étaient spécialisés : lieu de vie quotidienne, site de boucherie, ateliers de taille... . Les aménagements sont sommaires mais structurés et parfois construits : dallage, alignements de blocs, murets, emplacements de litières ; des vestiges de calages de poteaux en plein-air ou en abri naturel - prouve l'existence de charpente pour des huttes ou des tentes ou des cloisonnements d'espace ; les traces de délimitations d'aires différentes sont également visibles…. La domestication complète du feu est avérée à cette période, entre -1 Ma et 400'000 ans, par la présence de véritable foyer construit, de combustibles et de résidus montrant des combustions à assez haute température. Elle est le fait de l'Homo erectus. Les emplacements de foyers, lorsque l'habitat est en grotte, se situent en extérieur ; pour l'habitat en plein-air, il est positionné de façon à permettre l'évacuation des fumées. La maîtrise du feu a été une étape décisive dans l'évolution des conditions de vie : lutte contre le froid, protection contre les animaux, cuisson des aliments - végétaux ou animaux -, fumage des viandes pour la conservation, durcissement des pointes d'épieu... .
Exemples de sites du Paléolithique inférieur : - La Caume de l'Arago à Tautavel :
 La Caume de l'Arago à Tautavel, près de Perpignan (Pyrénées-Orientales), est une grotte située à 80 mètres au-dessus de la vallée. La bonne orientation de l'ouverture de l'abri produisait des températures confortables en hiver et permet un excellent point de vue sur l'environnement. Le lieu, riche en gibier, était également favorable à des installations humaines.La grotte a été occupée au Paléolithique inférieur, entre -300'000 et -450'000 ans par l'Homo erectus ou l'Homo heidelbergensis. D'abondants fossiles humains ont été retrouvés. Ils appartiennent aux diverses occupations du site. Ces restes ont été attribués à l'homme de Tautavel (appartenant à l'espèce éteinte Homo erectus) : il devait mesurer au alentour d'1m60, ne maîtrisait pas le feu mais était un excellent chasseur. S'il se nourrissait de sa chasse, des traces de cannibalisme sont également présentes. Les outils retrouvés - galets aménagés et choppers, quelques bifaces et hachereaux. On les attribue au faciès de l'Acheuléen. Ces premiers groupes humains s'installent dans des campements permanents ou temporaires pour la chasse - grands herbivores, mouflons ou cervidés ou rennes - et pour des ateliers de dépeçage.
 Le site de Terra-Amata est situé dans une crique abritée des vents dominants, près de Nice, sur les actuelles pentes du mont Boron. Il a été occupé par l'Homo erectus. L'emplacement, à proximité d'une source, permet la collecte de galets pour la fabrication d'outils et d'armes. Les outils lithiques retrouvés - galets, bifaces, pics, hachereaux, racloirs, ... - et des éclats appartiennent au faciès de l'Acheuléen.Une vingtaine de cabanes, datées d' environ - 400 000 ans, ont été construites. Les huttes sont de forme ovale entre 7 à 16 mètres de long et 4 à 6 m de large. Les vestiges montrent des traces de trous de poteaux et de pierres de calages, alignés en périphérie de l'ovale. Au centre, des emplacements disposés laissent à penser l'existence d'une structure de soutènement et de charpente. Des dallages de pierres suivent les pourtours et recouvrent certaines zones des constructions.  Certaines habitations comportent un foyer central. les vestiges retrouvés pour chacun sont : un trou profond de 30 cm et de 15 cm de diamètre, agencement de pierres, traces de charbon de bois et restes alimentaires. D'autres foyers ont servi pour la fabrication de crayon de pigments à partir de goethite. C'est l'un des plus anciens sites qui présente des vestiges prouvant la domestication du feu pouvant atteindre 200 à 400°C. Des occupations successives se superposent : nouvelles constructions par-dessus les anciennes.
 Plus d'informations : musée de Préhistoire de Terra Amata : 25, boulevard Carnot - Nice - Tél 04 93 55 59 93 //// L'habitat au Paléolithique moyen [- 300 000 - 35 000]À partir du Paléolithique moyen, les hommes, cueilleurs-chasseurs-pêcheurs, maintiennent un mode vie nomade. Ils se déplacent à l'intérieur de vastes régions et s'installent sur des territoires aux ressources suffisantes en eau, gibier, matières premières pour leurs outils, armes, objets. Aux Paléolithique moyen, comme dans la période précédente, les premières lignées d'Homos s'abritent dans l'entrée des grottes, en abris sous-roches ou dans des campements en plein-air. Les séjours sont de durées variables. Les campements s'établissent autour d'activités spécifiques : - des haltes rapides liées à la chasse d’espèces herbivores (rennes, bisons, …) ou à la cueillette, choisies leur localisation saisonnière,
- des bivouacs, de quelques jours, pour rechercher des ressources particulières,
- des campements de bases, séjours à long terme mêlant activités de chasse et activités domestiques – découpe, consommation du gibier, traitement des peaux.
Les sites sont, à la fin de leur utilisation, abandonnés dans l'état : éléments d'habitation, matériel, armes sont laissés sur place. Exemple de sites au Paléolithique moyen : La grotte de Lazaret, près de Nice (Alpes-Maritimes), au pied du Mont Boron. Le site a été occupé entre - 230'000 et - 120'000 ans (Paléolithique moyen). Cet habitat a accueilli des Néandertaliens et a vu plusieurs générations de chasseurs Homo erectus. Les industries lithiques présentent sur place sont datées de l'Acheuléen utilisant, entre autre, la technique du débitage Levallois. Les matériaux utilisés sont d'origine proche : galets et aussi, plus lointaine : silex, jaspe, quartzite, rhyolite. Les occupations vont de quelques jours à plusieurs mois. Une supposition de "cabane" positionnée à l'intérieur de la grotte. Elle serait large de 3,5 mètres et longue de 11 mètres. Elle pouvait abriter une dizaine de personnes et serait datée de -150 000 ans BP. Cette cabane se repèrerait par une ceinture de pierres sèches. Le dispositif serait complété par des peaux. Cette hypothèse est contestée par d'autres études.
- Un habitat en plein-air : Le site d'Orangia 1 (en Afrique du Sud)
Le site d'Orangia 1 présente une série de sept petites cuvettes. Des pierres sèches forment une bordure orientée face au vent du Nord. On peut supposer une disposition de paravents pour compléter le dispositif de protection. Chaque cuvette mesure entre 2 et 3 mètres. Pas de datation connue.
//// Les habitats des Néandertaliens au Paléolithique moyen : [entre environ -300 000 à -28 000 ans]Les Néandertaliens ont vécu sur une très longue période, au moins 200 000 ans, durant le Paléolithique moyen et début du supérieur. Ils ont vécu en Europe, en Asie et au Proche-Orient. Ils ont connu des périodes climatiques froides et tempérées auxquelles ils ont dû s'adapter. Les hommes de Neandertal s''établissent sur des sites très variés - plaines, montagnes, fonds de vallée, îles... -. Le choix de l'implantation du site est fonction du potentiel du lieu en ressources, en protection, en ensoleillement…. La durée des séjours est variable : de peu de temps à de plus longue durée, parfois, dans certains lieux, des vestiges montrent plusieurs couches d'occupations successives, sur plusieurs générations. À partir de l'implantation d'un camp de base, les Néandertaliens rayonnent autour (de quelques dizaines de km à des centaines de km) pour implanter des bivouacs ponctuels. Ces camps intermédiaires sont choisis en fonction des saisons et des ressources qu'ils offrent : Les hommes sélectionnent leur gibier - cervidés, cheval, rennes, aurochs, bison, mammouth, rhinocéros laineux, ours… - pour la viande ou la fourrure. Ils repèrent des lieux de pêche ou des emplacements de récolte de fruits, de végétaux comestibles…. Ils recherchent des zones abondantes en matières premières. C'est le cas par exemple : - de l'ocre jaune ou rouge qu'ils utilisent en blocs ou en bâtonnets (des traces importantes d'usages intensifs et variés retrouvées dans les zones d'activités, sur les parures, sur les corps, dans les dépotoirs) ;
- du silex pour la confection de leurs outils et armes ;
- des coquillages pour leurs parures... .
- ….
Les vestiges montrent une grande adaptabilité et ingéniosité des hommes de Néandertal dans la fabrication de leurs artefacts. Ses qualités se retrouvent dans la conception de leur habitat. Les dispositifs d'habitation et d'aménagement varient d'une région à l'autre et sont en fonction des matériaux trouvés : - L'habitat pouvait se situer, dans les régions montagneuses, en abris sous-roche ou en grotte, à l'entrée.
- Il pouvait aussi se trouver en plein-air et était constitué de structures démontables, de cabanes ou de huttes, réalisés avec des matériaux divers : pierre, bois, végétaux, peaux, fourrures, os de pachydermes….
L'aménagement de l'espace : Pour la construction du foyer (élément central de l'habitation), des solutions ingénieuses ont été retrouvées par Neandertal : disposition de galets, aménagement de cuvette, des conduits d'aération (évents), murets entourant le foyer, coupole… Des aires d'activités sont délimitées par différents procédés : des sols dallés en pierres ou en galets, des espaces couverts ; ou encore repérées, comme des traces de litières végétales. L'habitat en ossement du Moustérien : L'hypothèse d'une forme de sédentarisation des Néandertaliens sur les campements de bases a été émise par les paléontologues. Elle s'appuie sur les moyens importants mis en œuvre (en temps, en énergie, en matière d'œuvre) pour la construction des habitats en ossements. Exemple : - Le site de plein-air de Molodova 1, en Ukraine :
Le site Molodova 1 est situé dans la vallée du Dniestr en Ukraine. Une étude récente montre que ce site est caractéristique d'un habitat néandertalien. Il est daté du Moustérien, de la période inter-pléniglaciaire : On y retrouve une riche industrie lithique de 40 000 artefacts de ce faciès. Construit dans un environnement de steppe sans forêt, la structure des cabanes est constituée d'os et défenses de mammouths. Ce type de construction a nécessité un abattage de plusieurs animaux ou la récupération de carcasses d'animaux morts naturellement, ainsi que leur transport.

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